Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/296

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— Voyons, parles-tu sérieusement ?

— Eh parbleu ! Elle est charmante, cette fillette. Elle a bon cœur et jolie figure, gai caractère et belle humeur, la joue rose, l’œil clair, la dent blanche, la lèvre rouge, le cheveu long, luisant, épais et souple ; et son vigneron de père sera riche comme un Crésus, grâce à ton mari, ma chère sœur. Que veux-tu de plus ? Fille d’un paysan ! Eh bien, la fille d’un paysan ne vaut-elle pas toutes les filles de la finance véreuse qui payent si cher des ducs douteux, et toutes les filles de la cocotterie titrée que nous a donnée l’Empire, et toutes les filles à double père qu’on rencontre dans la société ? Mais si je l’épousais, cette fille-là, je ferais le premier acte sage et raisonnable de ma vie !…

Christiane réfléchissait, puis soudain, convaincue, conquise, ravie, elle s’écria :

— Mais c’est vrai tout ce qu’il dit ! C’est tout à fait vrai, tout à fait juste ! … Alors tu l’épouses, mon petit Gontran ?…

Ce fut lui, alors, qui la calma.

— Pas si vite… pas si vite… laisse-moi réfléchir à mon tour. Je constate seulement : Si je l’épousais, je ferais le premier acte sage et raisonnable de ma vie. Ça ne veut pas dire encore que je l’épouserai ; mais j’y songe, je l’étudie, je lui fais un peu la cour pour