Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/48

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— L’Allier coule devant nous, au milieu de cette plaine, mais il est impossible de l’apercevoir. Il est trop loin, à trente kilomètres d’ici.

Elle ne cherchait guère à découvrir ce qu’il indiquait, car elle attachait sur le morne tout son regard et toute sa pensée. Elle se disait que, tout à l’heure, cette grosse pierre n’existerait plus, qu’elle s’envolerait en poudre, et elle se sentait prise d’une vague pitié pour la pierre, d’une pitié de petite fille pour un Joujou cassé. Elle était là depuis si longtemps, cette pierre ; et puis elle était jolie, elle faisait bien. Les deux hommes, relevés à présent, entassaient des cailloux à son pied, bêchant avec des mouvements rapides de paysans pressés.

La foule de la route, sans cesse accrue, s’était rapprochée pour voir. Les mioches touchaient les deux travailleurs, couraient et remuaient autour d’eux comme de jeunes bêtes en gaieté ; et de la place élevée où se tenait Christiane, ces gens avaient l’air tout petits, une foule d’insectes, une fourmilière en travail. Le murmure des voix montait, tantôt léger, à peine perceptible, tantôt plus vif, une rumeur confuse de cris et de mouvements humains, mais émiettée dans l’air ; évaporée déjà, une sorte de poussière de