Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/73

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des malades. Vraiment, il nous donne des choses impossibles à digérer.

Et, soudain, toute la table tomba d’accord. Ce fut une indignation contre l’hôtelier qui servait des langoustes, des charcuteries, de l’anguille tartare, des choux, oui, des choux et des saucisses, tous les aliments les plus indigestes du monde pour ces gens à qui les trois docteurs Bonnefille, Latonne et Honorat ordonnaient uniquement des viandes blanches, maigres et tendres, des légumes frais et des laitages.

Riquier frémissait de colère :

— Est-ce que les médecins ne devraient pas surveiller la table des stations thermales, sans laisser le choix si important des nourritures à l’appréciation d’une brute ? Ainsi, tous les jours on nous sert des œufs durs, des anchois et du jambon comme hors-d’œuvre…

M. Monécu l’interrompit :

— Oh ! pardon, ma fille ne digère bien que le jambon, qui lui a été ordonné d’ail leurs par Mas-Roussel et par Rémusot.

Riquier cria :

— Le jambon ! le jambon ! mais c’est un poison, monsieur.

Et tout à coup la table se trouva divisée en deux clans, les uns tolérant et les autres ne tolérant pas le jambon.