Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/78

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mentalement de l’argent. Il mettait d’ailleurs une grande coquetterie à son savoir-faire spécial, et se vantait de pouvoir évaluer au premier coup d’œil la valeur précise d’une chose quelconque. Aussi, le voyait-on à tout instant, partout où il se trouvait, prendre un objet, l’examiner, le retourner et déclarer : « Ça vaut tant. » Sa femme et son beau-frère, égayés par cette manie, s’amusaient à le tromper, à lui présenter des meubles bizarres en le priant de les estimer ; et quand il demeurait perplexe, en face de leurs trouvailles invraisemblables, ils riaient tous deux comme des fous. Parfois aussi, dans la rue, à Paris, Gontran l’arrêtait devant un magasin, le forçait à apprécier la valeur d’une vitrine entière ou bien d’un cheval de fiacre boiteux, ou bien encore d’une voiture de déménagement avec tous les meubles qu’elle portait.

À table, un soir de grand dîner chez sa sœur, il somma William de lui dire à peu près ce que pouvait valoir l’obélisque ; puis, quand l’autre eut cité un chiffre quelconque, il posa la même question pour le pont Solférino et l’Arc de triomphe de l’Etoile. Et il conclut avec gravité : « Vous feriez un travail très intéressant sur l’évaluation des principaux monuments du globe. »

Andermatt ne se fâchait jamais et se prêtait