Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/90

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l’ardeur du banquier, ils imaginaient des combinaisons de sociétés fictives couvrant ses offres, une suite de ruses maladroites, qu’ils sentaient défectueuses sans parvenir à en inventer de plus habiles. Ils dormirent mal ; puis, au matin, le père, s’étant éveillé le premier, se demanda si la source n’avait pas disparu dans la nuit. C’était admissible, après tout, qu’elle fût partie comme elle était venue, rentrée dans la terre, impossible à reprendre. Il se leva, inquiet, saisi d’une peur d’avare, secoua son fils, lui dit sa crainte ; et le grand Colosse, tirant ses jambes de ses draps gris, s’habilla pour aller voir avec le père.

En tout cas ils feraient la toilette du champ et de la source elle-même, enlèveraient les pierres, la rendraient belle, propre, comme une bête qu’on veut vendre.

Ils prirent donc leurs pioches et leurs pelles et se mirent en route, côte à côte, de leur grand pas balancé.

Ils allaient sans rien regarder, l’esprit préoccupé de leurs affaires, répondant par un seul mot au bonjour des voisins et des amis qu’ils rencontraient. Lorsqu’ils furent sur la route de Riom, ils commencèrent à s’émouvoir, regardant au loin s’ils apercevaient l’eau bouillonnant et luisant sous le soleil du matin.