Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais soudain Gontran aperçut le docteur Honorat qui s’en donnait de tout son cœur et de toutes ses jambes, et exécutait la bourrée classique en véritable Auvergnat pur sang.

L’orchestre se tut. Tous s’arrêtèrent. Le docteur vint saluer le marquis.

Il s’essuyait le front et soufflait.

— C’est bon, dit-il, d’être jeune, quelquefois.

Gontran lui posa la main sur l’épaule, et, souriant d’un air mauvais :

— Vous ne m’aviez pas dit que vous étiez marié.

Le médecin cessa de s’essuyer, et répondit avec gravité :

— Oui, je le suis, et mal.

— Vous dites ?

— Je dis : mal marié. Ne faites jamais cette folie-là, jeune homme.

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? Tenez, voilà vingt ans que je suis marié, eh bien, je ne m’y accoutume pas. Tous les soirs en rentrant, je me dis : « Tiens, cette vieille dame est encore chez moi ! Elle ne s’en ira donc jamais ? »

Tout le monde se mit à rire, tant il avait l’air sérieux et convaincu.

Mais les cloches d’hôtel sonnaient le dîner. La fête était terminée. On reconduisit Louise et Charlotte Oriol à la maison paternelle, et quand on les eut quittées, on parla d’elles.

Tout le monde les trouvait charmantes. Seul,