Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/113

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graines qu’on jette en terre. Et le charme du grand pays, l’air savoureux, cette Limagne bleue, et si vaste qu’elle semblait agrandir l’âme, ces cratères éteints sur la montagne, vieilles cheminées du monde qui ne servaient plus qu’à chauffer des eaux pour les malades, la fraîcheur des ombrages, le bruit léger des ruisseaux dans les pierres, tout cela aussi pénétrait le cœur et la chair de la jeune femme, les pénétrait et les amollissait comme une pluie douce et chaude sur un sol encore vierge, une pluie qui fera germer les fleurs dont il a reçu la semence.

Elle sentait bien que ce garçon lui faisait un peu la cour, qu’il la trouvait jolie, plus que jolie même ; et le désir de lui plaire lui donnait, à elle, mille inventions rusées et simples en même temps, pour le séduire et le conquérir.

Quand il avait l’air ému, elle le quittait brusquement ; quand elle pressentait dans sa bouche une allusion attendrie, elle lui jetait, avant que la phrase fût terminée, un de ces regards courts et profonds qui entrent comme du feu au cœur des hommes.

Elle avait de fines paroles, de doux mouvements de tête, des gestes distraits de la main, et des airs mélancoliques bien vite arrêtés par un sourire pour lui montrer, sans lui rien dire, qu’il ne perdait pas ses efforts.

Que voulait-elle ? Rien. Qu’attendait-elle de cela ? Rien. Elle s’amusait à ce jeu uniquement parce qu’elle était femme, parce qu’elle n’en sentait point