Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/136

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doute qu’un tout de même nature, doit reparaître lorsque les éléments qui l’ont formé une première fois se trouvent combinés ensemble une seconde fois. Ce n’est pas le même individu assurément, mais c’est bien le même homme qui revient quand un corps pareil à une forme précédente se trouve habité par une âme semblable à celle qui l’animait autrefois. Eh bien, moi ce soir, je suis sûr, Madame, que j’ai vécu dans ce château, que je l’ai possédé, que je m’y suis battu, que je l’ai défendu. Je le reconnais, il fut à moi, j’en suis certain ! Et je suis certain aussi que j’y ai aimé une femme qui vous ressemblait, qui s’appelait, comme vous, Christiane ! J’en suis tellement certain, qu’il me semble vous voir encore, m’appelant du haut de cette tour. Cherchez, souvenez-vous ! Il y a un bois, derrière, qui descend dans une profonde vallée. Nous nous y sommes souvent promenés. Vous aviez des robes légères, les soirs d’été ; et je portais de lourdes armes qui sonnaient sous les feuillages.

— Vous ne vous rappelez pas ? Cherchez donc, Christiane ! Mais votre nom m’est familier comme ceux qu’on entend dès l’enfance ! On regarderait avec soin toutes les pierres de cette forteresse, on l’y retrouverait gravé par ma main, jadis ! Je vous affirme que je reconnais ma demeure, mon pays, comme je vous ai reconnue, vous, la première fois que je vous ai vue !

Il parlait avec une conviction exaltée, grisé poé-