Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/138

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Mais, à peine eut-il desserré son étreinte, elle se releva et se sauva, éperdue, frissonnante et glacée soudain comme un être qui vient de tomber à l’eau. Il la rejoignit en quelques enjambées et la saisit par le bras en murmurant : « Christiane, Christiane !… prenez garde à votre père. »

Elle se remit à marcher, sans répondre, sans se retourner, allant droit devant elle d’un pas roide et saccadé. Il la suivait maintenant sans oser lui parler.

Dès que le marquis les aperçut, il se leva :

— Allons vite, dit-il, je commençais à avoir froid. C’est très beau, ces choses-là, mais mauvais pour le traitement.

Christiane se serrait contre son père, comme pour lui demander protection et se réfugier dans sa tendresse.

Aussitôt rentrée dans sa chambre, elle se dévêtit en quelques secondes et s’enfonça dans son lit, en cachant sa tête sous les draps, puis elle pleura. Elle pleura, la figure dans l’oreiller, longtemps, longtemps, inerte, anéantie. Elle ne songeait plus, elle ne souffrait point, elle ne regrettait pas. Elle pleurait sans songer, sans réfléchir, sans savoir pourquoi. Elle pleurait, par instinct, comme on chante quand on est gai. Puis, quand elle fut épuisée de larmes, accablée, courbaturée à force d’avoir sangloté, elle s’endormit de fatigue et de lassitude.

Elle fut réveillée par des coups légers frappés à la porte de sa chambre qui donnait sur le salon. Il