Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/141

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Elle avait dit cela, affolée d’angoisse, sans y songer, pour éviter son contact, comme elle aurait dit : « J’ai la lèpre ou la peste. »

Il pâlit à son tour, ému d’une joie profonde ; et il murmura seulement : « Déjà ! » Il avait envie de l’embrasser maintenant, longtemps, doucement, tendrement, en père heureux et reconnaissant. Puis une inquiétude lui vint :

— Est-ce possible ?… Comment ?… Tu crois ?… Si tôt ?…

Elle répondit :

— Oui… c’est possible !…

Alors il sauta dans la chambre et s’écria en se frottant les mains :

— Cristi, cristi, quelle bonne journée !

On frappait de nouveau à la porte. Andermatt l’ouvrit, et une femme de chambre lui dit :

— C’est M. le docteur Latonne qui voudrait parler tout de suite à Monsieur.

— C’est bien. Faites-le entrer dans notre salon, j’y vais.

Il retourna dans la pièce voisine. Le docteur parut aussitôt. Il avait un visage solennel, une allure compassée et froide. Il salua, toucha la main que lui tendait le banquier un peu surpris, s’assit et s’expliqua, avec le ton d’un témoin dans une affaire d’honneur.

— Il m’arrive, mon cher Monsieur, une aventure fort désagréable, dont je dois vous rendre compte pour vous expliquer ma conduite. Quand vous m’a-