Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/146

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s’habillait en hâte, sans femme de chambre, la tête secouée par tous ces événements.

Le monde lui paraissait changé autour d’elle, la vie autre que la veille, les gens eux-mêmes tout différents.

La voix d’Andermatt s’éleva de nouveau :

— Tiens, mon cher Brétigny, comment allez-vous ?

Il ne disait déjà plus « Monsieur ».

Une autre voix répondit :

— Mais fort bien, mon cher Andermatt, vous êtes donc arrivé ce matin ?

Christiane, qui relevait ses cheveux sur ses tempes, s’arrêta, suffoquée, les bras en l’air. A travers la cloison, elle crut les voir se serrant la main. Elle s’assit, ne pouvant plus se tenir debout ; et ses cheveux déroulés retombèrent sur ses épaules.

C’était Paul qui parlait maintenant, et elle frissonnait de la tête aux pieds à chaque parole sortie de sa bouche. Chaque mot, dont elle ne saisissait pas le sens, tombait et sonnait sur son cœur comme un marteau qui frappe une cloche.

Tout à coup, elle prononça presque tout haut : « Mais je l’aime… je l’aime ! » comme si elle eût constaté une chose nouvelle et surprenante qui la sauvait, qui la consolait, qui l’innocentait devant sa conscience. Une énergie subite la redressa ; en une seconde son parti fut pris. Et elle se remit à se coiffer en murmurant : « J’ai un amant, voilà tout. J’ai un amant. » Alors, pour s’affermir encore, pour