Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/224

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rilité. L’idée d’un petit être né de lui, larve humaine agitée dans ce corps souillé par elle et enlaidi déjà, lui inspirait une répulsion presque invincible. La maternité faisait une bête de cette femme. Elle n’était plus la créature d’exception, adorée et rêvée, mais l’animal qui reproduit sa race. Et même un dégoût matériel se mêlait en lui à ces répugnances de l’esprit.

Comment aurait-elle senti et deviné cela, elle que chaque tressaillement de l’enfant désiré attachait davantage à son amant ? Cet homme qu’elle adorait, qu’elle avait aimé chaque jour un peu plus, depuis l’heure de leur premier baiser, non seulement il avait pénétré jusqu’au fond de son cœur, mais voilà qu’il était entré aussi jusqu’au fond de sa chair, qu’il y avait semé sa propre vie, qu’il allait sortir d’elle redevenu tout petit. Oui, elle le portait là, sous ses mains croisées, lui-même, son bon, son cher, son tendre, son seul ami, renaissant dans ses entrailles de par le mystère de la nature. Et elle l’aimait doublement, maintenant qu’elle l’avait deux fois, le grand et le petit encore inconnu, celui qu’elle voyait, qu’elle touchait, qu’elle embrassait, qu’elle entendait parler, et celui qu’elle ne pouvait encore que sentir remuer sous sa peau.

Ils étaient arrivés sur la route.

— Tu m’attendais là-bas, ce soir-là, dit-elle.

Et elle lui tendit ses lèvres. Il les baisa sans répondre, d’un baiser froid.

Elle murmura, pour la deuxième fois :