Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/232

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Gontran en ses heures de gaîté, il n’y a que la source pour s’en apercevoir ; et encore, ca ne la gêne guère ! » La seule plaisanterie méchante qu’il se permît sur son religieux confrère consistait à l’appeler « le médecin du Saint Bain de Siège. » Il avait la jalousie prudente, narquoise et tranquille.

Il ajoutait quelquefois : « Oh ! celui-là, il connaît le malade à fond… et ça vaut encore mieux pour nous que de connaître la maladie ! »

Mais voilà qu’un matin, arriva à l’hôtel du Mont-Oriol une noble famille espagnole, le duc et la duchesse de Ramas-Aldavarra, qui amenait avec elle son médecin, un Italien, le docteur Mazelli, de Milan.

C’était un homme de trente ans, grand, mince, très joli garçon, portant moustaches seulement.

Dès le premier soir il fit la conquête de la table d’hôte, car le duc, homme triste, atteint d’une obésité monstrueuse, avait horreur de l’isolement et voulait manger dans la salle commune. Le docteur Mazelli connaissait déjà par leurs noms presque tous les habitués ; il eut un mot aimable pour chaque homme, un compliment pour chaque femme, un sourire même pour chaque domestique.

Placé à la droite de la duchesse, une belle personne entre trente-cinq et quarante ans, au teint pâle, aux yeux noirs, aux cheveux bleuâtres, il` lui disait, à chaque plat : « Très peu », ou bien : « Non, pas ceci », ou bien : « Oui, mangez de cela. » Et il lui versait lui-même à boire, avec un soin très grand,