Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/246

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eux : « Tiens ! une jolie personne. » Il était flatté et se demandait si on la prenait pour sa sœur, pour femme ou pour sa maîtresse.

Christiane, assise entre son père et Paul, les vit passer plusieurs fois, et trouvant qu’ils avaient « l’air un peu jeune », elle les appelait pour les calmer. Mais ils ne l’écoutaient point et continuaient à vagabonder dans la foule en s’amusant de tout leur cœur.

Elle dit tout bas à Paul Brétigny :

— Il finirait par la compromettre. Il faudra que nous lui parlions ce soir, en rentrant.

Paul répondit :

— J’y avais déjà songé. Vous avez tout à fait raison.

On alla dîner dans un des restaurants de Clermont-Ferrand, ceux de Royat ne valant rien, au dire du marquis qui était gourmand, et on rentra, la nuit tombée.

Charlotte était devenue sérieuse, Gontran lui ayant fortement serré la main en lui donnant ses gants, pour quitter la table. Sa conscience de fillette s’inquiétait tout à coup. C’était un aveu, cela ! une démarche ! une inconvenance ! Qu’aurait-elle dû faire ? Lui parler ? mais quoi lui dire ? Se fâcher eût été ridicule ! Il fallait tant de tact dans ces circonstances-là ! Mais en ne faisant rien, en ne disant rien, elle avait l’air d’accepter son avance, de devenir sa complice, de répondre « oui » à cette pression de main.