Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/290

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dans les hôtels on s’ennuie, mon cher. Il faut amuser les baigneurs, les distraire, leur faire trouver trop courte la saison. Ceux de notre hôtel Mont-Oriol viennent tous les soirs, parce qu’ils sont tout près, mais les autres hésitent et restent chez eux. C’est une question de routes, pas autre chose. Le succès tient toujours à des causes imperceptibles qu’on doit savoir découvrir. Il faut que les chemins conduisant à un lieu de plaisir soient eux-mêmes un plaisir, le commencement de l’agrément qu’on aura tout à l’heure.

Les voies menant ici sont mauvaises, pierreuses, dures, elles fatiguent. Quand une route allant quelque part où on désire vaguement se rendre est douce, large, ombragée pendant le jour, facile et peu montante pour le soir, on la choisit fatalement, de préférence aux autres. Si vous saviez comme le corps garde le souvenir de mille choses que l’esprit n’a pas pris la peine de retenir ! Je crois que la mémoire des animaux est faite ainsi ! Avez-vous eu trop chaud en vous rendant à tel endroit, vous êtes-vous lassé les pieds sur les cailloux mal écrasés, avez-vous trouvé une montée trop rude, pendant même que vous pensiez à autre chose, vous éprouverez pour retourner à ce lieu-là une répugnance physique invincible. Vous causiez avec un ami, vous n’avez rien remarqué des légers ennuis de la marche, vous n’avez rien regardé, rien noté ; mais vos jambes, vos muscles, vos poumons, votre corps tout entier n’ont pas oublié, eux, et ils disent à l’esprit, quand l’es-