Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/324

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Alors elle baissa les yeux et demeura quelques instants sans répondre, puis d’une voix qui hésitait :

— Vous êtes si franc, que je ferai comme vous. Depuis… depuis le… depuis le mariage de ma sœur, je suis devenue un peu moins… un peu moins bête ! Eh bien, je me doutais déjà de ce que vous me dites… et je m’amusais toute seule à le voir venir.

Elle avait relevé son visage, et, dans son sourire, dans son regard fin, dans son petit nez retroussé, dans l’éclat humide et luisant de ses dents apparues entre ses lèvres, tant de grâce sincère, de malice gaie, d’espièglerie charmante apparaissaient, que Brétigny se sentit emporté vers elle par un de ces élans tumultueux qui le jetaient éperdu de passion aux pieds de la dernière aimée. Et son cœur exultait de joie, puisque Mazelli n’était point préféré. Il avait donc triomphé, lui !

Il demanda :

— Alors, vous ne l’aimez pas ?

— Qui ? Mazelli ?

— Oui.

Elle le regarda avec des yeux si chagrins qu’il se sentit bouleversé, il balbutia d’une voix suppliante :

— Eh… vous n’aimez… personne ?

Elle répondit, le regard baissé :

— Je ne sais pas… J’aime les gens qui m’aiment.

Il saisit soudain les deux mains de la jeune fille et, les baisant avec frénésie, dans une de ces