Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/349

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et lui baisant la bouche à chaque pas. Elle la reconnut. C’était Charlotte ! Il la serrait contre lui, souriait comme il savait sourire, lui murmurait dans l’oreille les mots si doux qu’il savait dire, puis se jetait à ses genoux et embrassait la terre devant elle comme il l’avait embrassée devant Christiane ! Ce fut si dur, si dur pour elle que, se tournant et se cachant la figure dans l’oreiller, elle se mit à sangloter. Elle poussait presque des cris, tant son désespoir lui martelait l’âme.

Chaque battement de son cœur qui sautait dans sa gorge, qui sifflait à ses tempes, lui jetait ce mot : — Paul, — Paul, — Paul, interminablement répété. Elle bouchait ses oreilles de ses mains pour ne plus l’entendre, enfonçait sa tête sous les draps ; mais il sonnait alors au fond de sa poitrine, ce nom, avec chacun des coups de son cœur inapaisable.

La garde, réveillée, lui demanda :

— Êtes-vous plus malade, Madame ?

Christiane se retourna, la face pleine de larmes, et murmura :

— Non, je dormais, je rêvais… J’ai eu peur.

Puis elle pria qu’on allumât deux bougies pour ne plus voir le rayon de lune.

Vers le matin pourtant, elle s’assoupit.

Elle avait sommeillé quelques heures quand Andermatt entra, amenant Mme Honorat. La grosse dame, familière tout de suite, s’assit près du lit, prit les mains de l’accouchée, l’interrogea comme