Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/359

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les jambes, les pieds, puis elle le regarda, pleine de pensées bizarres.

Deux êtres s’étaient vus, s’étaient aimés avec une exaltation délicieuse ; et de leur étreinte, cela était né ! Cela c’était lui et elle, mêlés pour jusqu’à la mort de ce petit enfant, c’était lui et elle, revivant ensemble, c’était un peu de lui et un peu d’elle avec quelque chose d’inconnu qui le ferait différent d’eux. Il les reproduirait l’un et l’autre, dans la forme de son corps et dans celle de son esprit, dans ses traits, ses gestes, ses yeux, ses mouvements, ses goûts, ses passions, jusque dans le son de sa voix et l’allure de sa démarche, et il serait un être nouveau pourtant !

Ils étaient séparés maintenant, eux, pour toujours ! Jamais plus leurs regards ne se confondraient dans un de ces élans de tendresse qui font indestructible la race humaine.

Et serrant l’enfant contre son cœur, elle murmura : « Adieu - adieu ! » C’était à lui qu’elle disait « adieu » dans l’oreille de sa fille, l’adieu courageux et désolé d’une âme fière, l’adieu d’une femme qui souffrira longtemps encore, toujours peut-être, mais qui saura du moins cacher à tous ses larmes.

— Ah ! ah ! criait William par la porte entr’ouverte. Je t’y prends ! Veux-tu bien me rendre ma fille ?

Courant au lit, il saisit la petite en ses mains exercées déjà à la manier, et l’élevant au-dessus de sa tête, il répétait :