Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/48

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Et chacun voulait voir. Ceux du second rang poussaient les premiers jusque dans la boue. Un enfant y tomba, ce qui fit rire.

Les Oriol, père et fils, étaient là, contemplant avec gravité cette chose inattendue, et ne sachant pas encore ce qu’ils en devaient penser. Le père était sec, un grand corps maigre avec une tête osseuse, une tête grave de paysan sans barbe ; et le fils, plus haut encore, un géant, maigre aussi, portant la moustache, ressemblait en même temps à un troupier et à un vigneron.

Les bouillons de l’eau semblaient augmenter, son volume s’accroître, et elle commençait à s’éclaircir.

Un mouvement eut lieu dans le public, et le docteur Latonne parut, un verre à la main. Il suait, il soufflait, et il demeura atterré en apercevant son confrère, le docteur Honorat, un pied posé sur le bord de la source nouvelle comme un général entré le premier dans une place.

Il demanda, haletant :

— Vous l’avez goûtée ?

— Non. J’attends qu’elle soit propre.

Alors le docteur Latonne y plongea son verre, et but avec cet air profond que prennent les experts pour déguster les vins. Puis il déclara : « Excellente ! » ce qui ne le compromettait pas, et, tendant le verre à son rival : « Voulez-vous ? »

Mais le docteur Honorat, décidément, n’aimait pas les eaux minérales, car il répondit en souriant :