Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/92

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ment tout. Tenez, je vais vous le dire. D’abord avez-vous remarqué, depuis que vous êtes ici, une odeur délicieuse, à laquelle aucune autre odeur n’est comparable, si fine, si légère, qu’elle semble presque… comment dirais-je… une odeur immatérielle ? On la retrouve partout, on ne la saisit nulle part, on ne découvre pas d’où elle sort ! Jamais, jamais rien de plus… de plus divin ne m’avait troublé le coeur… Eh bien, c’est l’odeur de la vigne en fleurs ! Oh ! j’ai été quatre jours à le découvrir. Et n’est-ce pas charmant à penser, Madame, que la vigne, qui nous donne le vin, le vin que peuvent seuls comprendre et savourer les esprits supérieurs, nous donne aussi le plus délicat et le plus troublant des parfums, que peuvent seuls découvrir les plus raffinés des sensuels ? Et puis, reconnaissez-vous aussi la senteur puissante des châtaigniers, la saveur sucrée des acacias, les aromates de la montagne, et l’herbe, l’herbe qui sent si bon, si bon, si bon, ce dont personne ne se doute ?

Elle était stupéfaite d’écouter ces choses, non pas qu’elles fussent surprenantes, mais elles lui paraissaient d’une nature si différente de celles entendues autour d’elle, chaque jour, que sa pensée en demeurait saisie, émue, troublée.

Il parlait toujours, de sa voix un peu sourde, mais chaude.

— Et puis, tenez, reconnaissez-vous aussi, dans l’air, sur les routes, quand il fait chaud, un petit goût de vanille ? — Oui, n’est-ce pas ? — Eh bien,