milieu de l’un d’eux, contre la route, à deux pas du ruisseau, s’élevait une pierre gigantesque, un morne qui gênait la culture et mettait à l’ombre toute une partie du champ qu’elle dominait.
Depuis dix ans le père Oriol annonçait chaque semaine qu’il allait faire sauter son morne ; mais il ne s’y décidait jamais.
Chaque fois qu’un garçon du pays partait pour le service, le vieux lui disait : « Quand tu viendras en congé, apporte-moi de la poudre pour mon rô. »
Et tous les petits soldats rapportaient dans leur sac de la poudre volée pour le rô du père Oriol. Il en avait plein un bahut, de cette poudre ; et le rô ne sautait point.
Enfin, depuis une semaine, on le voyait creuser la pierre avec son fils, le grand Jacques, surnommé Colosse, qu’on prononçait en Auvergnat « Coloche ». Ce matin même, ils avaient empli de poudre le ventre vidé de l’énorme roche ; puis on avait bouché l’ouverture en laissant seulement passer la mèche, une mèche de fumeur achetée chez le marchand de tabac. On mettrait le feu à deux heures. Ça sauterait donc à deux heures cinq, ou deux heures dix minutes au plus tard, car le bout de mèche était fort long.
Christiane s’intéressait à cette histoire, amusée déjà à l’idée de cette explosion, retrouvant là un jeu d’enfant qui plaisait à son cœur simple.
Ils arrivaient au bout du parc.
— Où va-t-on plus loin ? dit-elle.
Le docteur Honorat répondit :
— Au Bout du Monde, Madame ; c’est-à-dire dans une gorge sans issue et célèbre en Auvergne. C’est