Page:Maupassant - Pensées libres, paru dans Le Gaulois, 14 décembre 1881.djvu/8

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cet amour.

J’ai dit : de l’égoïsme furieux. Or, cela devient bientôt de l’égoïsme féroce. Attendez.

Quand l’un des deux amants a déroulé jusqu’au bout la bobine de sa tendresse, il casse le fil, et s’en va, sans davantage s’occuper de l’autre, dont il a plein le dos, comme on dit improprement, et il cherche une passion nouvelle. Est-ce de l’égoïsme ou du désintéressement, cela ?

Mais que fait l’autre, aimant toujours ? Il devient ce qu’on appelle vulgairement un crampon ; et sans trêve, sans pitié, sans répit il s’attache au fuyard. Alors commence cette exaspérante persécution de la passion non partagée, les scènes, l’espionnage, les poursuites en voiture, la jalousie acharnée qui arme la main d’un couteau, d’un revolver ou d’une fiole de vitriol.

C’est là peut-être de l’abnégation et du désintéressement ?

C’est la frénésie de l’égoïsme.

Oui, madame ; si l’amour était le dévouement, à partir du jour où vous ne vous sentiriez plus aimée, vous sacrifieriez votre bonheur à celui de votre infidèle ; et au lieu de le traiter d’ingrat (en