Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/154

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Sa pensée, sans qu’il prononçât ce mot avec ses lèvres, répétait comme pour l’appeler, pour évoquer et provoquer son ombre : « Maréchal… Maréchal. » Et dans le noir de ses paupières baissées, il le vit tout à coup tel qu’il l’avait connu. C’était un homme de soixante ans, portant en pointe sa barbe blanche, avec des sourcils épais, tout blancs aussi. Il n’était ni grand ni petit, avait l’air affable, les yeux gris et doux, le geste modeste, l’aspect d’un brave être, simple et tendre. Il appelait Pierre et Jean « mes chers enfants », n’avait jamais paru préférer l’un ou l’autre, et les recevait ensemble à dîner.

Et Pierre, avec une ténacité de chien qui suit une piste évaporée, se mit à rechercher les paroles, les gestes, les intonations, les regards de cet homme disparu de la terre. Il le retrouvait peu à peu, tout entier, dans son appartement de la rue Tronchet quand il les recevait à sa table, son frère et lui.

Deux bonnes le servaient, vieilles toutes