Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/45

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doux d’écailles gluantes et de nageoires soulevées, d’efforts impuissants et mous, et de bâillements dans l’air mortel.

Le père Roland saisit la manne entre ses genoux, la pencha, fit couler jusqu’au bord le flot d’argent des bêtes pour voir celles du fond, et leur palpitation d’agonie s’accentua, et l’odeur forte de leur corps, une saine puanteur de marée, monta du ventre plein de la corbeille.

Le vieux pêcheur la huma vivement, comme on sent des roses, et déclara :

— Cristi ! ils sont frais, ceux-là !

Puis il continua :

— Combien en as-tu pris, toi, docteur ?

Son fils aîné, Pierre, un homme de trente ans à favoris noirs coupés comme ceux des magistrats, moustaches et menton rasés, répondit :

— Oh ! pas grand’chose, trois ou quatre.

Le père se tourna vers le cadet :

— Et toi, Jean ?

Jean, un grand garçon blond, très barbu,