Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/66

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templa, comme il faisait chaque jour, le bassin du Commerce plein de navires, prolongé par d’autres bassins, où les grosses coques, ventre à ventre, se touchaient sur quatre ou cinq rangs. Tous les mâts innombrables, sur une étendue de plusieurs kilomètres de quais, tous les mâts avec les vergues, les flèches, les cordages, donnaient à cette ouverture au milieu de la ville l’aspect d’un grand bois mort. Au-dessus de cette forêt sans feuilles, les goélands tournoyaient, épiant pour s’abattre, comme une pierre qui tombe, tous les débris jetés à l’eau ; et un mousse, qui rattachait une poulie à l’extrémité d’un cacatois, semblait monté là pour chercher des nids.

— Voulez-vous dîner avec nous sans cérémonie aucune, afin de finir ensemble la journée ? demanda Mme Roland à Mme Rosémilly.

— Mais oui, avec plaisir ; j’accepte aussi sans cérémonie. Ce serait triste de rentrer toute seule ce soir.

Pierre, qui avait entendu et que l’indifférence de la jeune femme commençait à frois-