Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/216

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Puis, je gagnai la cime, que d’autres cimes, plus hautes, dominaient, et après quelques détours j’aperçus sur le flanc de la montagne en face, derrière une châtaigneraie immense qui allait du sommet au fond d’une vallée, une ruine noire, un amas de pierres sombres et de bâtiments anciens supportés par de hautes arcades. Pour l’atteindre, il fallut contourner un large ravin et traverser la châtaigneraie. Les arbres, vieux comme l’abbaye, survivent à cette morte, énormes, mutilés, agonisants. Les uns sont tombés ne pouvant plus porter leur âge, d’autres décapités n’ont plus qu’un tronc creux où se cacheraient dix hommes. Et ils ont l’air d’une armée formidable de géants antiques et foudroyés qui montent encore à l’assaut du ciel. On sent les siècles et la moisissure, l’antique vie des racines pourries dans ce bois fantastique où rien ne fleurit plus au pied de ces colosses. C’est, entre les troncs gris, un sol dur de pierres et d’herbe rare.

Voici deux sources captées ou des fontaines pour faire boire les vaches.