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une répétition


Que ces compliments-là ne nous blessent jamais.
Vous verriez, si j’étais un homme, et si j’aimais.

René saisit ses mains et les baise avec passion. Elle les retire vivement, très étonnée, un peu fâchée.

Je n’autorise pas ces manières trop lestes ;
La parole suffit, monsieur, gardez vos gestes.

rené., tombant à ses genoux.

Certes, j’étais timide et grotesque. Pourquoi ?
Je craignais que mon cœur éclatât malgré moi !
Et qu’au lieu des fadeurs de ces propos frivoles,
Ce cœur qui débordait ne dit d’autres paroles.

Elle s’éloigne de lui, il la poursuit en tenant sa robe

Ah ! vous l’avez permis, madame, il est trop tard.
Vous n’avez donc pas vu briller dans mon regard,
Quand il était sur vous, des éclairs de folie ;
Ni trouvé sur ma face égarée et pâlie
Ces sillons qu’ont creusés les tortures des nuits ?
Vous n’avez donc pas vu que souvent je vous fuis ;
Qu’un frisson me saisit quand votre main m’effleure ;
Et que si j’ai perdu la tête, tout à l’heure,
C’est qu’en me regardant vos lèvres ont souri,
Que votre œil m’a touché, marqué, brûlé, meurtri ?
Ainsi qu’un malheureux, monté sur une cime,
Se sent pris tout à coup des fièvres de l’abîme,
Et se jette éperdu dedans, la tête en feu ;
Ainsi, quand je regarde au fond de votre œil bleu,
Le vertige me prend d’un amour sans limite !

Il saisit sa main et la pose sur son cœur

Tenez, sentez-vous pas comme mon cœur palpite ?