Page:Maupassant - Un vieux (extrait de Gil Blas, édition du 1882-09-26).djvu/10

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rait inquiet. « Ah ! il est mort comme ça, tout d’un coup ? Il se portait très bien la semaine dernière, il aura fait quelque imprudence, n’est-ce pas, docteur ? » Le médecin, qui s’amusait, répondit : « Je ne crois pas. Ses enfants m’ont dit qu’il avait été très sage. »

Alors, n’y tenant plus, pris d’angoisse, M. Daron demanda : « Mais… mais… de quoi est-il mort, alors ? » — « D’une pleurésie. »

Ce fut une joie, une vraie joie. Le petit vieux tapa l’une contre l’autre ses mains sèches. « Parbleu, je vous disais bien qu’il avait fait quelque imprudence. On n’attrape pas une pleurésie sans raison. Il aura voulu prendre l’air après son dîner, et le froid lui sera tombé sur la poitrine. Une pleurésie ! C’est un accident, cela, ce n’est pas même une maladie. Il n’y a que les fous qui meurent d’une pleurésie. »

Et il dîna gaiement en parlant de ceux qui restaient. « Ils ne sont plus que quinze maintenant ; mais ils sont forts, ceux-là, n’est-ce pas ? Toute la vie est ainsi, les plus faibles tombent les premiers ; les gens qui passent trente ans ont bien des chances pour aller à soixante ; ceux qui