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VAINS CONSEILS




Mon cher ami, le conseil que tu me demandes est bien difficile à donner.

Donc tu as une liaison que tu ne peux dénouer, et qui me paraît être dans des conditions déplorables pour toi. Je suis vieux, on t’a dit que j’avais vécu, et tu appelles mon expérience à ton aide. J’ai peur qu’elle ne puisse rien pour toi, tu me sembles mal pris.

Si j’ai bien pénétré ta lettre, voici ton cas. Tu as fait la conquête d’une femme mariée trop tenace. Je vais préciser pour être sûr de ne me point tromper.

Tu es jeune, fort jeune, vingt-cinq ans. Après avoir un peu couru, de droite et de gauche, par les rues et les femmes des rues, tu as été sollicité, comme nous le sommes tous, par le désir d’amours plus élégantes.

Alors tu as remarqué une amie de ta mère qui te remarquait, elle, depuis quelque temps déjà.

Elle se trouvait juste à ce moment où la femme est encore bien, mais sur le point de devenir mal. Quarante ans passés, de l’embonpoint, de la fraîcheur, cette fraîcheur des raisins conservés, et de la tendresse à revendre, son mari n’en consommant plus depuis longtemps.