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YVETTE.

gens, à cheval sur des pliants, fumaient des cigares.

Les heures passaient dans une causerie paresseuse et sans cesse mourante. La marquise, énervée, jetait à Saval des regards éperdus, cherchait un prétexte, un moyen d’éloigner sa fille. Elle comprit enfin qu’elle ne réussirait pas, et ne sachant de quelle ruse user, elle dit à Servigny :

— Vous savez, mon cher duc, que je vous garde tous deux ce soir. Nous irons déjeuner demain au restaurant Fournaise, à Chatou.

Il comprit, sourit, et s’inclinant :

— Je suis à vos ordres, marquise.

Et la journée s’écoula lentement, péniblement, sous les menaces de l’orage.

L’heure du dîner vint peu à peu. Le ciel pesant s’emplissait de nuages lents et lourds. Aucun frisson d’air ne passait sur la peau.

Le repas du soir aussi fut silencieux. Une gêne, un embarras, une sorte de crainte vague semblaient rendre muets les deux hommes et les deux femmes.

Quand le couvert fut enlevé, ils demeurèrent sur la terrasse, ne parlant qu’à de longs intervalles. La nuit tombait, une nuit étouffante. Tout à coup, l’horizon fut déchiré par