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YVETTE.

Il baisa la main qu’elle lui tendait et disparut à son tour.

Et elle demeura seule avec Saval, dans la nuit.

Aussitôt elle fut dans ses bras, l’enlaçant, l’étreignant. Puis, bien qu’il tentât de l’en empêcher, elle s’agenouilla devant lui en murmurant : « Je veux te regarder à la lueur des éclairs. »

Mais Yvette, sa bougie soufflée, était revenue sur son balcon, nu-pieds, glissant comme une ombre, et elle écoutait, rongée par un soupçon douloureux et confus.

Elle ne pouvait voir, se trouvant au-dessus d’eux, sur le toit même de la terrasse.

Elle n’entendait rien qu’un murmure de voix ; et son cœur battait si fort qu’il emplissait de bruit ses oreilles. Une fenêtre se ferma sur sa tête. Donc, Servigny venait de remonter. Sa mère était seule avec l’autre.

Un second éclair, fendant le ciel en deux, fit surgir pendant une seconde tout ce paysage qu’elle connaissait, dans une clarté violente et sinistre ; et elle aperçut la grande rivière, couleur de plomb fondu, comme on rêve des fleuves en des pays fantastiques. Aussitôt une