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Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/128

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YVETTE.

comme si elle ne l’avait jamais aperçu, examinant surtout ses yeux, découvrant mille choses en elle, un caractère secret de sa physionomie qu’elle ne connaissait pas, s’étonnant de se voir, comme si elle avait en face d’elle une personne étrangère, une nouvelle amie.

Elle se disait :

— C’est moi, c’est moi que voilà dans cette glace. Comme c’est étrange de se regarder soi-même. Sans le miroir cependant, nous ne nous connaîtrions jamais. Tous les autres sauraient comment nous sommes, et nous ne le saurions point, nous.

Elle prit ses grands cheveux tressés en nattes et les ramena sur sa poitrine, suivant de l’œil tous ses gestes, toutes ses poses, tous ses mouvements.

— Comme je suis jolie ! pensa-t-elle. Demain, je serai morte, là, sur mon lit.

Elle regarda son lit, et il lui sembla qu’elle se voyait étendue, blanche comme ses draps.

— Morte. Dans huit jours, cette figure, ces yeux, ces joues ne seront plus qu’une pourriture noire, dans une boîte, au lond de la terre.

Une horrible angoisse lui serra le cœur.