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YVETTE.

elle se mit à sangloter si violemment qu’elle ne pouvait plus avancer.

Elle couvrait sa figure sous ses deux mains et haletait avec des râles dans la gorge, étranglée, étouffée par la violence de son désespoir.

Belvigne demeurait debout, à côté d’elle, tout à fait éperdu, répétant :

— Je n’y comprends rien.

Mais Servigny s’avança brusquement :

— Rentrons, mam’zelle, qu’on ne vous voie pas pleurer dans la rue. Pourquoi faites-vous des folies comme ça, puisque ça vous attriste ?

Et, lui prenant le coude, il l’entraîna. Mais, dès qu’ils arrivèrent à la grille de la villa, elle se mit à courir, traversa le jardin, monta l’escalier et s’enferma chez elle.

Elle ne reparut qu’à l’heure du dîner, très pâle, très grave. Tout le monde était gai cependant. Servigny avait acheté chez un marchand du pays des vêtements d’ouvrier, un pantalon de velours, une chemise à fleurs, un tricot, une blouse, et il parlait à la façon des gens du peuple.

Yvette avait hâte qu’on eût fini, sentant son courage défaillir. Dès que le café fut pris, elle remonta chez elle.