Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/202

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avoir moins froid, incapables de parler ou de remuer, dormant par secousses et par saccades, comme on dort quand on est rendu de fatigue.

À cinq heures, il faisait nuit, cette nuit blafarde des neiges. Je secouai mes gens. Beaucoup ne voulaient plus se lever, incapables de remuer ou de se tenir debout, ankylosés par le froid et le reste.

Devant nous, la plaine, une grande vache de plaine toute nue, où il pleuvait de la neige. Ça tombait, ça tombait, comme un rideau, ces flocons blancs, qui cachaient tout sous un lourd manteau gelé, épais et mort, un matelas en laine de glace. On aurait dit la fin du monde.

— Allons, en route, les enfants.

Ils regardaient ça, cette poussière blanche qui descendait de là-haut, et ils semblaient penser : « En voilà assez, autant mourir ici ! »

Alors je tirai mon revolver :

— Le premier qui flanche, je le brûle.

Et les voilà qui se mettent en marche, tout lentement, comme des gens dont les jambes sont usées.

J’en envoyai quatre, pour nous éclairer, à trois cents mètres en avant ; puis le reste