Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/204

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Tout à coup, un cri aigu, un cri de femme, traversa le silence pesant des neiges, et au bout de quelques minutes, on m’amena deux prisonniers, un vieillard et une jeune fille.

Je les interrogeai à voix basse. Ils fuyaient devant les Prussiens qui avaient occupé leur maison dans la soirée, et qui étaient soûls. Le père avait eu peur pour sa fille, et sans même prévenir leurs serviteurs, ils s’étaient sauvés tous deux dans la nuit.

Je reconnus tout de suite que c’étaient des bourgeois, même mieux que des bourgeois.

— Vous allez nous accompagner, leur dis-je.

On repartit. Comme le vieux connaissait le pays, il nous guida.

La neige cessa de tomber ; les étoiles parurent, et le froid devint terrible.

La jeune fille, qui tenait le bras de son père, marchait d'un pas saccadé, d'un pas de détresse. Elle murmura plusieurs fois : « Je ne sens plus mes pieds », et, moi, je souffrais plus qu’elle de voir cette pauvre petite femme se traîner ainsi dans la neige.

Tout d'un coup, elle s’arrêta :

— Père, dit-elle, je suis si fatiguée que je n’irai pas plus loin.