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220 MOHAMMED-FRIPOUILLE.

Le commandant, qui était un fantaisiste, le prit au mot :

— - Tu partiras demain matin avec six hommes de ton choix et, si tu n'accomphs pas ta promesse, gare à toi!

Le sous-officier souriait dans sa moustache.

— Ne craignez rien, mon commandant. Mes prisonniers seront ici mercredi midi, au plus tard.

Ce maréchal des logis, Mohammed -Fri- pouille, comme on l'appelait, était un homme vraiment surprenant, un Turc, un vrai Turc, entré au service de la France après une vie très ballottée, et pas très claire, sans doute. II avait voyagé en beaucoup de lieux, en Grèce, en Asie Mineure, en Egypte, en Palestine, et il avait dû laisser pas mal de forfaits sur sa route. C'était un vrai bachi-bouzouk, hardi, noceur, féroce et gai, d'une gaieté calme d'Oriental. II était gros, très gros, mais souple comme un singe, et il montait à cheval d'une façon merveilleuse. Ses moustaches, invrai- semblablement épaisses et longues, éveillaient toujours en moi une idée confuse de croissant de lune et de cimeterre. II haïssait les Arabes d'une haine exaspérée, et il les traitait avec une cruauté sournoise épouvantable, inven-