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YVETTE.

Élysées. Une brise légère passait doucement dans les feuilles, glissait par moments sur les visages, comme les souffles doux d’un éventail géant balancé quelque part dans le ciel. Des ombres muettes erraient sous les arbres, d’autres, sur les bancs, faisaient une tache sombre. Et ces ombres parlaient très bas, comme si elles se fussent confié des secrets importants ou honteux.

Servigny reprit :

— Tu ne te figures pas la collection de titres de fantaisie qu’on rencontre dans ce repaire.

À ce propos, tu sais que je vais te présenter sous le nom de comte Saval, Saval tout court serait mal vu, très mal vu.

Son ami s’écria :

— Ah ! mais non, par exemple. Je ne veux pas qu’on me suppose, même un soir, même chez ces gens-là, le ridicule de vouloir m’affubler d’un titre. Ah ! mais non.

Servigny se mit à rire.

— Tu es stupide. Moi, là dedans, on m’a baptisé le duc de Servigny. Je ne sais ni comment ni pourquoi. Toujours est-il que je suis et que je demeure M. le duc de Servigny, sans me plaindre et sans protester. Ça ne me