Page:Maupassant - Yvette.djvu/112

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et qu’elle le devait deviner toute seule, était rentrée dans sa chambre, le cœur serré, l’âme en détresse, accablée maintenant sous l’appréhension d’un vrai malheur, sans savoir au juste où ni pourquoi lui venait cette émotion. Et elle pleurait, accoudée à sa fenêtre.

Elle pleura longtemps, sans songer à rien maintenant, sans chercher à rien découvrir de plus ; et peu à peu, la lassitude l’accablant, elle ferma les yeux. Elle s’assoupissait alors quelques minutes, de ce sommeil fatigant des gens éreintés qui n’ont point l’énergie de se dévêtir et de gagner leur lit, de ce sommeil lourd et coupé par des réveils brusques, quand la tête glisse entre les mains.

Elle ne se coucha qu’aux premières lueurs du jour, lorsque le froid du matin, la glaçant, la contraignit à quitter la fenêtre.

Elle garda le lendemain et le jour suivant une attitude réservée et mélancolique. Un travail incessant et rapide se faisait en elle, un travail de réflexion ; elle apprenait à épier, à deviner, à raisonner. Une lueur, vague encore, lui semblait éclairer d’une nouvelle manière les hommes et les choses autour d’elle ; et une suspicion lui venait contre tous, contre tout ce qu’elle avait