Page:Maupassant - Yvette.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas de nos cœurs. Elle y est, elle y reste. Nous l’aimons, nous l’aimerons, nous ferons pour elle toutes les folies, tant qu’il y aura une France sur la carte d’Europe. Et même si on escamote la France, il restera toujours des Français.

Moi, devant les yeux d’une femme, d’une jolie femme, je me sens capable de tout. Sacristi ! quand je sens entrer en moi son regard, son sacré nom de regard, qui vous met du feu dans les veines, j’ai envie de je ne sais quoi, de me battre, de lutter, de casser des meubles, de montrer que je suis le plus fort, le plus brave, le plus hardi et le plus dévoué des hommes.

Mais je ne suis pas le seul, non vraiment ; toute l’armée française est comme moi, je vous le jure. Depuis le pioupiou jusqu’aux généraux nous allons de l’avant, et jusqu’au bout, quand il s’agit d’une femme, d’une jolie femme. Rappelez-vous ce que Jeanne d’Arc nous a fait faire autrefois. Tenez, je vous parie que, si une femme, une jolie femme, avait pris le commandement de l’armée, la veille de Sedan, quand le Maréchal de Mac-Mahon fut blessé, nous aurions traversé les lignes prussiennes, sacrebleu ! et bu la goutte dans leurs canons.

Ce n’est pas un Trochu qu’il fallait à Paris, mais une sainte Geneviève.