Page:Maupassant - Yvette.djvu/231

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n’entendait plus que ce glissement vague de la neige, cette rumeur presque insaisissable que font le froissement et l’emmêlement de tous ces flocons qui tombent.

Quelques hommes se secouaient, d’autres ne bougeaient point.

Puis je donnais l’ordre de repartir. Les fusils remontaient sur les épaules, et, d’une allure exténuée, on se remettait en marche.

Soudain les éclaireurs se replièrent. Quelque chose les inquiétait. Ils avaient entendu parler devant nous. J’envoyai six hommes et un sergent. Et j’attendis.

Tout à coup, un cri aigu, un cri de femme, traversa le silence pesant des neiges, et au bout de quelques minutes, on m’amena deux prisonniers, un vieillard et une jeune fille.

Je les interrogeai à voix basse. Ils fuyaient devant les Prussiens qui avaient occupé leur maison dans la soirée, et qui étaient saoûls. Le père avait eu peur pour sa fille, et sans même prévenir leurs serviteurs, ils s’étaient sauvés tous deux dans la nuit.

Je reconnus tout de suite que c’étaient des bourgeois, même mieux que des bourgeois.

— Vous allez nous accompagner, leur dis-je.