Page:Maupassant - Yvette.djvu/234

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On repartit comme si on eût bu un coup de vin, plus gaillardement et plus vivement. J’entendis même des plaisanteries. Il suffit d’une femme, voyez-vous, pour électriser les Français.

Les soldats avaient presque reformé les rangs, ranimés, réchauffés. Un vieux franc-tireur qui suivait la litière, attendant son tour pour remplacer le premier camarade qui flancherait, murmura vers son voisin, assez haut pour que je l’entendisse :

— Je n’suis pu jeune, moi ; eh bien, cré croquin, le sexe, il y a tout de même que ça pour vous flanquer du cœur au ventre !

Jusqu’à trois heures du matin, on avança presque sans repos. Puis, tout à coup, les éclaireurs se replièrent encore, et bientôt tout le détachement, couché dans la neige, ne faisait plus qu’une ombre vague sur le sol.

Je donnai des ordres à voix basse, et j’entendis derrière moi le crépitement sec et métallique des batteries qu’on armait.

Car là-bas, au milieu de la plaine, quelque chose d’étrange remuait. On eût dit une bête énorme qui courait, s’allongeait comme un serpent ou se ramassait en boule, prenait de brusques élans, tantôt à droite, tantôt à gauche, s’arrêtait, puis repartait.