Page:Maupassant - Yvette.djvu/252

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plaisir, de bonheur. Et il était seul à la regarder seul, tout à fait seul. Il serait encore seul demain, seul toujours, seul comme personne n’est seul.

Il se leva, fit quelques pas, et brusquement fatigué, comme s’il venait d’accomplir un long voyage à pied, il se rassit sur le banc suivant.

Qu’attendait-il ? Qu’espérait-il ? Rien. Il pensait qu’il doit être bon, quand on est vieux, de trouver, en rentrant au logis, des petits enfants qui babillent. Vieillir est doux quand on est entouré de ces êtres qui vous doivent la vie, qui vous aiment, vous caressent, vous disent ces mots charmants et niais qui réchauffent le cœur et consolent de tout.

Et, songeant à sa chambre vide, à sa petite chambre propre et triste, où jamais personne n’entrait que lui, une sensation de détresse lui étreignit l’âme. Elle lui apparut, cette chambre, plus lamentable encore que son petit bureau.

Personne n’y venait ; personne n’y parlait jamais. Elle était morte, muette, sans écho de voix humaine. On dirait que les murs gardent quelque chose des gens qui vivent dedans, quelque chose de leur allure, de leur figure, de leurs paroles. Les maisons habitées par des familles heureuses sont plus gaies que les demeures des