Page:Maupassant - Yvette.djvu/88

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allure, car les quatre porteurs avaient pris le pas de course, suivis par la foule hurlante. Mais, tout à coup, ils se dirigèrent vers la berge, s’arrêtèrent net en arrivant au bord, balancèrent un instant leur camarade, puis, le lâchant tous les quatre en même temps, le lancèrent dans la rivière.

Un immense cri de joie jaillit de toutes les bouches, tandis que le pianiste, étourdi, barbotait, jurait, toussait, crachait de l’eau, et, embourbé dans la vase, s’efforçait de remonter au rivage.

Son chapeau, qui s’en allait au courant, fut rapporté par une barque.

Yvette dansait de plaisir en battant des mains et répétant :

— Oh ! Muscade, comme je m’amuse, comme je m’amuse !

Servigny l’observait, redevenu sérieux, un peu gêné, un peu froissé de la voir si bien à son aise dans ce milieu canaille. Une sorte d’instinct se révoltait en lui, cet instinct du comme il faut qu’un homme bien né garde toujours, même quand il s’abandonne, cet instinct qui l’écarte des familiarités trop viles et des contacts trop salissants.

Il se disait, s’étonnant :

— Bigre, tu as de la race, toi !

Et il avait envie de la tutoyer vraiment, comme