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de nouveau de Mme de Marelle, et, la regardant au fond des yeux : — Voulez-vous que je vous reconduise, ce soir ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que M. Laroche-Mathieu, qui est mon voisin, me laisse à ma porte chaque fois que je dîne ici.

— Quand vous verrai-je ?

— Venez déjeuner avec moi, demain.

Et ils se séparèrent sans rien dire de plus.

Duroy ne resta pas tard, trouvant monotone la soirée. Comme il descendait l’escalier, il rattrapa Norbert de Varenne qui venait aussi de partir. Le vieux poète lui prit le bras. N’ayant plus de rivalité à redouter dans le journal, leur collaboration étant essentiellement différente, il témoignait maintenant au jeune homme une bienveillance d’aïeul.

— Eh bien, vous allez me reconduire un bout de chemin ? — dit-il.

Duroy répondit : — Avec joie, cher maître.

Et ils se mirent en route, en descendant le boulevard Malesherbes, à petits pas.

Paris était presque désert cette nuit-là, une nuit froide, une de ces nuits qu’on dirait plus vastes que les autres, où les étoiles sont plus hautes, où l’air semble apporter dans ses souffles glacés quelque chose venu de plus loin que les astres.

Les deux hommes ne parlèrent point dans les premiers moments. Puis Duroy, pour dire quelque chose, prononça :

— Ce M. Laroche-Mathieu a l’air fort intelligent et fort instruit.

Le vieux poète murmura : — Vous trouvez ?