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ventant des ruses, des télégrammes qu’il allait recevoir, un appel de M. Walter.

Mais ses résolutions de fuite lui parurent plus difficiles à réaliser, en s’éveillant le lendemain. Mme Forestier ne se laisserait point prendre à ses adresses, et il perdrait par sa couardise tout le bénéfice de son dévouement. Il se dit : « Bah ! c’est embêtant ; eh bien, tant pis, il y a des passes désagréables dans la vie ; et puis, ça ne sera peut-être pas long. »

Il faisait un temps bleu, de ce bleu du Midi qui vous emplit le cœur de joie ; et Duroy descendit jusqu’à la mer, trouvant qu’il serait assez tôt de voir Forestier dans la journée.

Quand il rentra pour déjeuner, le domestique lui dit :

— Monsieur a déjà demandé monsieur deux ou trois fois. Si monsieur veut monter chez monsieur.

Il monta. Forestier semblait dormir dans un fauteuil. Sa femme lisait, allongée sur le canapé.

Le malade releva la tête. Duroy demanda : — Eh bien, comment vas-tu ? Tu m’as l’air gaillard ce matin.

L’autre murmura : — Oui, ça va mieux, j’ai repris des forces. Déjeune bien vite avec Madeleine, parce que nous allons faire un tour en voiture.

La jeune femme, dès qu’elle fut seule avec Duroy, lui dit : — Voilà ! aujourd’hui il se croit sauvé. Il fait des projets depuis le matin. Nous allons tout à l’heure au golfe Juan acheter des faïences pour notre appartement de Paris. Il veut sortir à toute force, mais j’ai horriblement peur d’un accident. Il ne pourra pas supporter les secousses de la route.

Quand le landau fut arrivé, Forestier descendit l’escalier pas à pas, soutenu par son domestique. Mais dès qu’il aperçut la voiture, il voulut qu’on la découvrît.