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avec une bonhomie ironique, le nom de ce « cocu de Forestier ».

Il n’en voulait plus au mort ; il le vengeait.

Sa femme feignait de ne pas entendre et demeurait, en face de lui, souriante et indifférente.

Le lendemain, comme elle devait aller adresser son invitation à Mme Walter, il voulut la devancer, pour trouver seule la Patronne et voir si vraiment elle en tenait pour lui. Cela l’amusait et le flattait. Et puis… pourquoi pas… si c’était possible.

Il se présenta boulevard Malesherbes dès deux heures. On le fit entrer dans le salon. Il attendit.

Mme Walter parut, la main tendue avec un empressement heureux.

— Quel bon vent vous amène ?

— Aucun bon vent, mais un désir de vous voir. Une force m’a poussé chez vous, je ne sais pourquoi, je n’ai rien à vous dire. Je suis venu, me voilà ! me pardonnez-vous cette visite matinale et la franchise de l’explication ?

Il disait cela d’un ton galant et badin, avec un sourire sur les lèvres et un accent sérieux dans la voix.

Elle restait étonnée, un peu rouge, balbutiant : — Mais… vraiment… je ne comprends pas… vous me surprenez…

Il ajouta : — C’est une déclaration sur un air gai, pour ne pas vous effrayer.

Ils s’étaient assis l’un près de l’autre. Elle prit la chose de façon plaisante.

— Alors, c’est une déclaration… sérieuse ?

— Mais oui ! Voici longtemps que je voulais vous la faire, très longtemps, même. Et puis, je n’osais pas. On vous dit si sévère, si rigide…

Elle avait retrouvé son assurance. Elle répondit :

— Pourquoi avez-vous choisi aujourd’hui ?