Page:Maupassant Bel-ami.djvu/308

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Il la touchait à travers sa robe, la maniait, la palpait ; et elle défaillait sous cette caresse brutale et forte. Il se releva brusquement et voulut l’étreindre, mais, libre une seconde, elle s’était échappée en se rejetant en arrière, et elle fuyait maintenant de fauteuil en fauteuil.

Il jugea ridicule cette poursuite, et il se laissa tomber sur une chaise, la figure dans ses mains, en feignant des sanglots convulsifs.

Puis il se redressa, cria : — Adieu, adieu ! — et il s’enfuit.

Il reprit tranquillement sa canne dans le vestibule et gagna la rue en se disant : — Cristi, je crois que ça y est. — Et il passa au télégraphe pour envoyer un petit bleu à Clotilde, lui donnant rendez-vous le lendemain.

En rentrant chez lui, à l’heure ordinaire, il dit à sa femme : — Eh bien, as-tu tout ton monde pour ton dîner ?

Elle répondit : — Oui ; il n’y a que Mme Walter qui n’est pas sûre d’être libre. Elle hésite ; elle m’a parlé de je ne sais quoi, d’engagement, de conscience. Enfin elle m’a eu l’air très drôle. N’importe, j’espère qu’elle viendra tout de même.

Il haussa les épaules : — Eh, parbleu oui, elle viendra.

Il n’en était pas certain, cependant, et il demeura inquiet jusqu’au jour du dîner.

Le matin même, Madeleine reçut un petit mot de la Patronne : « Je me suis rendue libre à grand’peine et je serai des vôtres. Mais mon mari ne pourra pas m’accompagner. »

Du Roy pensa : « J’ai rudement bien fait de n’y pas retourner. La voilà calmée. Attention. »

Il attendit cependant son entrée avec un peu d’inquiétude. Elle parut, très calme, un peu froide, un peu hau-