Page:Maupassant Bel-ami.djvu/430

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— Eh ! oui, parbleu. Il faut bien qu’il l’épouse maintenant.

Elle poussa une sorte de cri de bête :

— Lui ! jamais ! Tu es donc fou ?

Il répondit tristement :

— Ça ne sert à rien de hurler. Il l’a enlevée, il l’a déshonorée. Le mieux est encore de la lui donner. En s’y prenant bien, personne ne saura cette aventure.

Elle répéta, secouée d’une émotion terrible :

— Jamais ! jamais il n’aura Suzanne ! Jamais je ne consentirai !

Walter murmura avec accablement :

— Mais il l’a. C’est fait. Et il la gardera et la cachera tant que nous n’aurons point cédé. Donc, pour éviter le scandale, il faut céder tout de suite.

Sa femme, déchirée par une inavouable douleur, répéta :

— Non ! non. Jamais je ne consentirai !

Il reprit, s’impatientant : — Mais il n’y a pas à discuter. Il le faut. Ah ! le gredin, comme il nous a joués… Il est fort tout de même. Nous aurions pu trouver beaucoup mieux comme position, mais pas comme intelligence et comme avenir. C’est un homme d’avenir. Il sera député et ministre.

Mme Walter déclara, avec une énergie farouche :

— Jamais je ne lui laisserai épouser Suzanne… Tu entends… jamais !

Il finit par se fâcher et par prendre, en homme pratique, la défense de Bel-Ami.

— Mais, tais-toi donc… Je te répète qu’il le faut… qu’il le faut absolument. Et qui sait ? Peut-être ne le regretterons-nous pas. Avec les êtres de cette trempe-là, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Tu as vu comme il a jeté