Page:Maupassant Bel-ami.djvu/87

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À la place occupée par lui, Forestier maintenant était assis et écrivait, en robe de chambre, les pieds dans ses pantoufles, la tête couverte d’une petite toque anglaise, tandis que sa femme, enveloppée du même peignoir blanc, et accoudée à la cheminée, dictait, une cigarette à la bouche.

Duroy, s’arrêtant sur le seuil, murmura : — Je vous demande bien pardon ; je vous dérange ?

Et son ami, ayant tourné la tête, une tête furieuse, grogna : — Qu’est-ce que tu veux encore ? Dépêche-toi, nous sommes pressés.

L’autre interdit, balbutiait :  — Non, ce n’est rien, pardon.

Mais Forestier, se fâchant : — Allons, sacrebleu ! ne perds pas de temps ; tu n’as pourtant pas forcé ma porte pour le plaisir de nous dire bonjour.

Alors, Duroy, fort troublé, se décida : — Non… voilà… c’est que… je n’arrive pas encore à faire mon article… et tu as été… vous avez été si… si… gentils la dernière fois que… que j’espérais… que j’ai osé venir…

Forestier lui coupa la parole : — Tu te fiches du monde, à la fin ! Alors tu t’imagines que je vais faire ton métier, et que tu n’auras qu’à passer à la caisse au bout du mois, Non ! elle est bonne, celle-là !

La jeune femme continuait à fumer, sans dire un mot, souriant toujours d’un vague sourire qui semblait un masque aimable sur l’ironie de sa pensée.

Et Duroy, rougissant, bégayait : — Excusez-moi… j’avais cru… j’avais pensé… — Puis brusquement, d’une voix claire : — Je vous demande mille fois pardon, madame, en vous adressant encore mes remerciements les plus vifs pour la chronique si charmante que vous m’avez faite hier.