Page:Maupertuis - Œuvres, Dresde, 1752.djvu/266

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recours à des moyens aussi violens, pour réveiller en eux l’amour. Malheureux ! qui tâchez par la douleur d’exciter des sentimens qui ne doivent naître que de la volupté, restez dans la léthargie et la mort ; épargnez-vous des tourmens inutiles : ce n’est pas de votre sang que Tibulle a dit que Vénus étoit née.[1] Il falloit profiter dans le temps des moyens que la Nature vous avoit donnés pour être heureux : ou si vous en avez profité, n’en poussez pas l’usage au-delà des termes qu’elle a prescrits ; au lieu d’irriter les fibres de votre corps, consolez votre ame de ce qu’elle a perdu.

Vous seriez cependant plus excusable encore que ce jeune homme qui, dans un mélange bizarre de superstition et de galanterie, se déchire la peau de mille coups aux yeux de sa maîtresse, pour lui donner des preuves des tourmens qu’il peut souffrir pour elle, et des assurances des plaisirs qu’il lui fera goûter.

On ne finiroit point si l’on parloit de tout ce que l’attrait de cette passion a fait imaginer aux hommes pour leur en faire excéder ou prolonger l’usage. Innocent limaçon, vous êtes peut-être le seul pour qui ces moyens ne soient pas criminels ; parce qu’ils ne sont chez vous que les effets de l’ordre de la Nature. Recevez et rendez mille fois les coups de ces dards dont elle vous a armés. Ceux qu’elle a réservés pour nous sont des soins et des regards.

Malgré ce privilege qu’a le limaçon de posséder tout à la fois les deux sexes, la Nature n’a pas voulu qu’ils pussent se passer les uns des autres ; deux sont nécessaires pour perpétuer l’espece.[2]


CHAPITRE XI (suite).


Mais voici un hermaphrodite bien plus parfait. C’est un petit insecte trop commun dans nos jardins, que les Naturalistes appellent puceron. Sans aucun accouplement il produit son semblable, accouche d’un autre puceron vivant. Ce fait merveilleux ne devroit pas être cru s’il n’avoit été vu par les Naturalistes les plus fideles, et s’il n’étoit constaté par M. de Reaumur, à qui rien n’échappe de ce qui est dans la Nature, mais qui n’y voit jamais que ce qui y est.

  1.  .  .  .  .  .  .  .  .  Is sanguine natam
        Is Venerem, et rapido sentiat esse mari.
                                       Tibull. lib. I. Eleg. II.
  2. Mutuis animis amant, amantur. Catull. Carm. XLIII.